Le mercredi 30 novembre 2011

Modernisation

Cette année, cela fait exactement 30 ans que je travaille. Et le vocabulaire change considérablement. Il se "modernise" paraît-il. Je parle, bien sûr, du vocabulaire. Pas du monde du travail.


Voici deux semaines que j'ai retrouvé mes collègues, après quelques jours de congés. Et déjà, il me faut "prendre de la distance" avec ce que j'entends tous les jours.

Ce soir, je pensais à ces mots et expressions que l'on entend partout au travail mais aussi dans les médias et qui commencent à me gonfler sérieusement, que je finis par détester.


En voici quelques exemples :



Problématique. Qui a largement remplacé le mot problème. Ça donne des conneries du genre : « la problématique que je rencontre dans mon espace cuisine est que mon frigo est trop proche de mon espace cuisson… »


Petit. Que l’on met à toutes les sauces : petits légumes, petite sauce, petit feuilleté, petites pommes de terre. Tout ce qui est petit devient du coup très bon. Le prix du plat, lui n’est pas forcément petit.


Évaluation. Pour dire entretien annuel avec ton chef qui peut s’il est du genre chéfaillon de m...., te balancer un tas de saloperies, au lieu de te dire tout au long de l’année ce qui va et ce qui ne va pas.


Plus-value. Gentille façon de te dire que ton travail, a eu des retombées positives dans ton service et donc sur ton chef.


Experte. Avoir de l’expertise. Ça, c’est ce que l’on me dit quand on veut me brosser dans le sens du poil, quand on veut me faire faire un boulot que paraît-il je suis seule capable d’assurer. Mais j’ai beau être une soit disant experte, je ne gagne pas un sou de plus et depuis fort longtemps.


Groupe de travail. Groupe qui se réunit régulièrement pour se masturber le cerveau. Quand il a fini sa petite affaire, le groupe découvre que ce qu’il a produit n’est pas retenu par la hiérarchie parce qu’elle sait depuis longtemps exactement ce qu’elle veut (mais en tout cas, pas ce que le groupe à pondu). Autre possibilité : la hiérarchie balance une nouvelle organisation de service en arguant qu’elle s’est appuyée sur la production du groupe de travail constitué d’experts qui s’est réunit 3-4 fois sans savoir que derrière se préparait une nouvelle organisation déjà décidée.


Être pilote d’un projet. La dernière fois que l’on m’a sorti cette expression qui te rend vachement important, mon travail de pilote a consisté à vérifier que l’imprimerie avait bien imprimé des cartons d’invitation à une teuf avec des élus, à les récupérer, à les remettre à ma collègue secrétaire et contrôler qu’elle les mette sous enveloppes, appose sur chacune d’elle le tampon de l’administration , y colle les étiquettes (pas de travers svp) et les envoie accompagné du bordereau d’envoi (car là où je bosse, tout envoi de plus de 150 lettres doit être motivé). Le soir, j’ai eu l’impression d’avoir fait quelque chose de super important !


Mutualiser. Ce mot là, il est balèze. Ça veut dire qu’avec moins de personnel on fait plus de boulot. Mutualiser les moyens : tu cours partout, tu fais tout. Il n’y a plus de poste dans ton village ? Ce n’est pas grave. On a mutualisé les trois agences postales des trois villages. Et si tu veux des timbres ou poster un colis, tu prends ta voiture et tu parcours 10 km pour aller à la poste voisine même si tu as 85 ans et que tu ne vois pas bien clair. Et les voisins font la même chose.


Tirer les conséquences. Expression préférée des journalistes et hommes politiques. Pour moi, il y a des faits qui ont des conséquences. Ensuite on peut analyser et en tirer des conclusions. Mais tirer des conséquences, je ne vois pas bien.


Au jour d’aujourd’hui. Ah bon, aujourd’hui, c’est peut-être hier ?


Suite parentale. Cette expression existe depuis que tout propriétaire qui se respecte est persuadé posséder l’aile droite du château de Versailles. La dernière fois qu’une agence immobilière m’a présenté une « suite parentale », c’était une chambre mansardée grande comme un placard avec une baignoire dans le coin que même mon Ours brun (qui n’est pas un géant) avait la tête qui touchait le plafond, une fois assis dans la baignoire.


Dressing. Idem. Le dernier entr’aperçu mesurait 1m x 1m. J’ai dit au proprio que le véritable nom était placard équipé de tringles, tout simplement.


Et puis, il y a aussi:


Front office et back office : les petits devant (c’est à dire les mains dans la merde et là beaucoup de Thérèse me comprendront) et les autres, derrière, qui se planquent.


Management : En principe cela signifie encadrer et ménager. Là où je bosse, c’est surtout te faire chier, te donner des orientations contradictoires, te prendre pour une imbécile, à longueur de journée les entendre dire que, eux, ils sont CÂDRES ! Dans ces moments là, je les regarde bien sans rien dire et je me rappelle qu’ils ont comme moi un trou du c.. et qu’ils chient de la même façon.


Ressources humaines : service qui n’a plus rien d’humain et en premier lieu pour les pauvres agents RH. Il n’a pas si longtemps, on disait service du personnel; c’était plus clair, plus humain.


Agent fragile : dès qu’un agent ne répond pas à la commande institutionnelle (elle est bien bonne celle là aussi !), il se murmure… qu’il s’agit très probablement d’un agent ayant des fragilités.


Enfant en grande difficulté ??? Enfant qui ne tient pas assis sur sa chaise ? Enfant qui n’a pas acquis les 4 opérations ? Qui ne sait pas lire ?


Enfant en grande souffrance : Ce qui veut tout dire et ne rien dire. Elle se manifeste comment la grande souffrance ? Ben, alors là si tu trouves tu me dis.


Et on pourrait continuer avec :


Projet de service, outils, fiches de procédure, réorganisation, espace de convivialité, jury de recrutement, certification, bien être au travail, norme ISO N° 14 millions, lieu de parole, faire son deuil, nouvelles technologies, banlieue…


Alors vous comprendrez peut-être qu'après une journée de labeur, j'ai tout simplement envie d'une seule chose : attraper mon crochet, ma laine et glander sur mon canapé.

Mais ce soir, je suis crevée alors je vais me mettre au lit avec un bon bouquin.

Bonne nuit !


PS : la couleur verte c'est pour l'espoir...

3 commentaires

priscilia a dit…
salut!

wouahou, ça tacles par ici!
t'as bien raison, gueuler, ça fait du bien!
on est pas français pour rien!
tiens, je râle un coup avec toi aussi!!

bisous, priscilia

ps: ça ira mieux demain!
Anonyme a dit…
Très fort !!! Bravo ! je mutualise régulièrement des groupes de travail experts, afin de finaliser des plue values...mais me voilà en grande difficulté, voire fragile, en grande souffrance....
barbamama a dit…
j'ai tt lu et ce fut instructif!!!
ds le genre concret pour moi ce fut "l'évaluation" tt à fait ça!!!!tu t'en prends plein la gueule pour pas un rond on te resort des trucs qui datent de l'an dernier ,que t'as oublié et que tu peux même pas de défendre.là tu te dis -"mais qu'est-ce que je fous là?????"ça fait deux ans que je passe à la trappe, mais si c'est pour me faire saquer remarque ,ça ne me manque pas.ma cadre m'a dit qu'elle n'avait pas le tp et que si elle avait un truc négatif à me dire,tkt elle prendrait le tp de me recevoir,par contre pour du positif,je peux tjrs me brosser!!!ggggggggrrrrrrrrrrrrrr!!!!!!!!!!
vive le crochet ;-)
à bientôt

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