Le vendredi 2 avril 2010

Thérèse en taule

J’ai aussi exercé en qualité de Thérèse pénitentiaire dans différentes prisons et un tribunal pendant de nombreuses années.
Passionnant, déroutant. Expérience inoubliable J’y ai vu des choses très dures. Ça passe ou tu te casses.
La crasse des cellules au tribunal et les prisons ; la honte de notre pays ? … je confirme.
Il y a un truc que ne pourra jamais montrer la télé au sujet des prisons, c'est l'odeur. L 'odeur de renfermé, de pisse et cette odeur de vieille serpillière usée jusqu'à la corde, qui sert à laver le sol, serpillière trempée et retrempée dans un seau d'eau tiédasse sans détergent parce que ça coûte trop cher. D'ailleurs j'ai toujours pensé que les images à la télé, ne montraient jamais l'état réel des prisons. Même la plus grande prison d'Europe parait propre ou alors on n'autorise les tournages que dans les lieux les plus clean.
La prison, c’est loin d’être le club Med comme l’imaginent les gens. D’ailleurs à ceux qui en sont persuadés, je leur suggère d’aller y faire un petit séjour voir si c’est si bien que cela et on en reparlera. On peut avoir une petite idée de l’espace en louant un studio cabine pour trois personnes à la montagne (la montagne en moins). Autre possibilité : louer une chambre à l'hôtel Formule machin et y vivre à 3 (à 4 c'est plus réaliste) pendant quelques jours sans sortir. Ne pas oublier de faire sa toilette devant les autres et pisser dans le lavabo. Pour la douche, c'est aussi à l'extérieur.
La prison, c’est le lieu par excellence où un primo délinquant apprends à faire toutes les conneries qui le ramèneront en taule. C’est surtout l’endroit où l’homme apprend la haine.
Les inégalités sociales de l’extérieur, tu trouves les mêmes à l’intérieur et accentuées par le lieu « fermé ».
Si tu n’as pas de sous, tu ne peux pas avoir la télé, t’acheter du Nes ou du papier cul (eh oui messieurs et mesdames, rien n’est gratuit, la télé non plus, elle est même plus chère qu’a l’hôpital)
C’est le seul lieu où la législation du travail ne s’impose pas et où les salariés perçoivent des salaires de misère (punition supplémentaire ?)
C’est un endroit où les étrangers condamnés pour séjour irrégulier sur le territoire français peuvent travailler sans titre de séjour et d’autorisation de travailler. Ils cotisent à la sécu et ouvrent donc des droits !
On y découvre que les relations sexuelles sont interdites entre détenus (attention mitard !) mais où le personnel socio-éducatif et médical mets à disposition des mêmes détenus, des préservatifs au titre de la prévention du SIDA et autres maladies.
On y découvre aussi qu’un détenu attend plusieurs mois un rendez-vous avec le dentiste (un seul praticien, à temps partiel, pour des centaines de détenus). Désespérant et très douloureux quand le détenu a un abcès dentaire et plus particulièrement quand le détenu toxicomane a cessé de se défoncer du fait de l'incarcération.
Vous osez parler du public en détention ? L’administration, pour justifier les moyens qu’elle vous refuse, vous réponds que ce n’est pas du public mais des P.P.S.M.J. ( = Personnes Placées Sous Main de Justice, donc pas du public !)

J'y ai vu des hommes pleurer tous les jours. J'ai vu la détresse de la première incarcération, la violence, la haine, la maladie et surtout la maladie mentale, la peur, la solitude, les tentatives de suicide et la mort.
C’est là que j’ai pris rapidement conscience qu’un nombre non négligeable de détenus avaient été pris en charge par les services de protection de l’enfance, l’aide sociale à l’enfance, la DASS, l’assistance publique... Quoi qu’en disent mes collègues, je suis en accord avec ce qu’écrit le docteur BERGER dans son livre sur l’échec de la protection de l’enfance et ses conséquences (L’échec de la protection de l’enfance de Maurice BERGER - Editions Dunod, 2003)

Enfin, je confirme que voler un scooter peut coûter plus cher que de détourner des millions d’euros. Même constat si tu es blanc, bronzé ou noir : y’a une grande différence au tribunal.

En taule, j' ai rencontré des surveillants intelligents, quelquefois arrivés à ce travail un peu par hasard mais qui aiment leur job, respectueux des détenus tout en appliquant le règlement. Certains sont devenus des amis. J’ai aussi rencontré de nombreux sacrés salauds.
Bref, il y a de quoi largement écrire un livre.

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